AMEL – AMbitions Educatives Limitées ?

La fonction publique constitue une voie importante d’accès à l’emploi pour les jeunes femmes de milieu populaire. Pour les plus diplômées d’entre elles, passées par l’enseignement supérieur et les concours, elle peut constituer un secteur d’emploi plus méritocratique que le salariat privé, puisque le capital scolaire constitue la ressource principale pour l’accès aux postes¹. Pour les moins diplômées, le recrutement externe sous statut contractuel constitue une autre portée d’entrée sur le marché du travail, où le capital d’autochtonie va continuer de jouer un rôle majeur.

L’enjeu de ce projet de recherche est d’investiguer ces deux modes d’entrée dans la fonction publique, en comparant deux contextes académiques différents.

Axe 1. Un axe de la recherche est de mieux comprendre, en amont du parcours qui mène au métier de professeur des écoles, les aspirations des étudiantes des classes populaires et notamment de celles qui présentent les profils les moins attendus et qui sont a priori les moins bien préparées à y accéder. Il s’agira en particulier de saisir les ressorts d’une orientation qui se pose bien souvent à l’encontre des assignations et des verdicts scolaires et les façons spécifiques dont ces jeunes femmes se projettent dans le métier. Une des hypothèses est que, dans le contexte d’ouverture sociale de l’Académie de Créteil, aspirent à ce métier des jeunes femmes aux ressources a priori éloignées des réquisits attendus et qu’elles investissent dans ce projet professionnel des normes et des valeurs spécifiques, socialement situées.

Axe 2. Le 2ème axe de la recherche vise à questionner cette fois-ci les modalités d’entrée « par le bas » dans la fonction publique de jeunes femmes d’origine populaire, en s’intéressant notamment à l’accès aux métiers du périscolaire en dehors de la voie des concours. Il s’agira de montrer en quoi certaines jeunes femmes issues de filières professionnelles du secondaire ou de filières courtes de l’enseignement supérieur parviennent à rentabiliser ou à convertir des ressources scolaires et une carrière maternelle en compétences professionnelles dans les écoles maternelles ou primaires de leur village. En effet, une des hypothèses de cet axe est que l’accès aux emplois d’adjoint technique communal, en charge de la garderie, des bibliothèques ou de la cantine s’inscrit souvent – et notamment dans des communes rurales – dans des pratiques de cooptation et de fidélisation de mères d’élèves disponibles et disposant de ressources culturelles en conformité avec les normes éducatives dominantes.

¹ Sibylle Gollac, « La fonction publique : une voie de promotion sociale pour les enfants des classes populaires ? Une exploitation de l’enquête “Emploi 200” », Sociétés contemporaines, n° 58, 2005, p. 41-63.