Séminaire de terrain à Nantes / Vidéo de l’intervention de Basile Michel autour du quartier des Olivettes

  • Le 21 novembre 2019
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Le 21 novembre 2019, Basile Michel, membre du programme SCAENA, est intervenu dans le cadre du séminaire de terrain à Nantes, autour du quartier des Olivettes comme haut-lieu de la scène culturelle et créative nantaise.

Dans son intervention, Basile Michel présente le quartier des Olivettes à Nantes sous l’angle culturel et créatif. Il y analyse ainsi un ancien faubourg ouvrier, progressivement investi par des artistes, de manière spontanée ou via un projet politique. Il explique également le contraste entre ce quartier créatif historique et le quartier de la création installé sur l’Île de Nantes.

Basile Michel est maître de conférences en géographie à l’Université de Cergy-Pontoise.


 

Dans un premier temps, Basile Michel rappelle que le quartier des Olivettes correspond approximativement au quartier officiel Madeleine – Champs de Mars qui inclut la Cité des Congrès. Il s’agit d’un quartier enclavé, entouré par le CHU, la voie ferrée, la Loire et l’Erdre à l’est. C’est un ancien faubourg ouvrier qui s’est construit indépendamment du reste de la ville, collé au centre-ville mais qui en est séparé malgré tout, ce qui est classique des quartiers créatifs que l’on peut observer aujourd’hui. On trouve dans ce quartier des Olivettes un grand nombre d’activités du secteur culturel et créatif depuis le début des années 90.

Basile Michel revient ensuite sur une histoire récente du quartier. Il rappelle que le quartier des Olivettes était un quartier artisanal, industriel et ouvrier. En effet, le quartier présentait de nombreux ateliers de fabrication et une activité forte autour du marché de gros, près du Champs de Mars, jusqu’à ce que le Marché d’intérêt national ouvre sur l’île de Nantes. Les usines LU en sont un exemple et un symbole de la période industrielle, avec environ 1200 employés en 1960. Avec leurs deux tours, les usines LU marquent l’une des entrées dans le quartier et symbolisent toute la ville.

Le quartier périclite dans les années 60-70 et à partir des années 1990, les friches industrielles sont investies par des artistes, de manière spontanée. Progressivement, la mairie va également favoriser et développer l’installation d’artistes de manière temporaire dans ce quartier en friche. Le quartier est en effet une Zone d’Aménagement Concerté dont une des priorités est de rendre ce quartier culturel et créatif en y installant des artistes, dans des immeubles prévus pour être détruits ou réhabilités.

On a comme ça un peu un mélange entre du spontané (bottom up) et du planifié (top down) mais qui reste beaucoup plus discret que ce que l’on peut observer sur l’Île de Nantes plus tard. Ces dynamiques spontanées et ce rôle discret des pouvoirs publics font émerger progressivement dans le quartier une véritable polarité d’abord artistique puis, au tournant des années 2000, plus créative. Dans le cadre de la ZAC, les pouvoirs publics cherchent à faciliter l’installation d’entreprises créatives et préemptent les locaux qu’ils cèdent à des entrepreneurs créatifs qui ont des projets de réhabilitation des locaux.

On trouve dans la ZAC deux parties très différentes : la partie Madeleine qui présente la partie faubourg la mieux préservée ; la partie Champs de Mars est celle où on implante de grands équipements comme la Cité des Congrès, résultat de choix politiques en partie menés par une municipalité de droite avant la réélection de la gauche en 1989.
Le tournant vient des années 2000 ; alors que le projet urbain avance dans le cadre de la ZAC et que les artistes continuent de s’y installer, on va sortir du quartier de friche et entrer dans les logiques immobilières et un processus de gentrification.

Aujourd’hui, le quartier des Olivettes fait toujours l’objet d’une certaine dynamique culturelle et créative, avec un renouvellement des artistes, et concentre de nombreuses activités de ce secteur. La coprésence des acteurs culturels et créatifs a permis la mise en place d’un réseau collaboratif, qui leur permet d’échanger et de travailler entre eux.

Basile Michel arrive ensuite à la création du « quartier de la création » sur l’île de Nantes et explique la confrontation entre ces deux quartiers culturels et créatifs, l’un historique, l’autre institutionnel.

Cette création très institutionnelle d’un quartier de la création vient donc se confronter à l’existence d’un quartier historique de la création, avec deux quartiers très proches géographiquement et qui finalement n’ont pas grand chose à voir dans les logiques de formation et dans le type d’acteurs que l’on va pouvoir y trouver – grandes institutions dans le quartier de la création officiel (Ecole des Beaux-Arts, Ecole d’architecture, Machines de l’île, etc.) et acteurs intermédiaires et moins institutionnalisés (Pol’n, théâtre TNT, le 783, etc.) dans le quartier des Olivettes.

Face à cette création officielle, émerge dans le quartier des Olivettes une revendication de la part les acteurs culturels et créatifs de leur appartenance à ce qu’ils considèrent comme le « vrai » quartier de la création à Nantes.


Quelques références sur le quartier :

  • Guibert, G., 2010. « La scène musicale à Nantes. De la ville perçue à la ville vécue », in M. Grandet, S. Pajot, D. Sagot-Duvauroux et G. Guibert, Nantes, la belle éveillée. Le pari de la culture, Toulouse, Les Editions de l’Attribut, p. 109-137
     
  • Michel, B., 2019. « Dynamiques de réseau et image de marque dans les quartiers créatifs spontanés. Le cas du quartier des Olivettes à Nantes ». Revue Marketing Territorial, n°2 [En ligne]
     
  • Michel, B. et Le Claire J., 2019. « Secteurs culturels et ESS : quelles formes collectives d’organisation ? », dans Defalvard H. (dir.), Culture & économie sociale et solidaire, Presses universitaires de Grenoble, pp. 97-105 [halshs-02365241]
     
  • Michel, B., 2018. « Les quartiers créatifs : construction de clubs de travailleurs créatifs. Analyse croisée des quartiers du Panier (Marseille) et des Olivettes (Nantes) ». Annales de Géographie, n°721, pp. 227-253 [halshs-01824230]
     
  • Michel, B., 2017. Les quartiers créatifs : une dynamique de club. Analyse croisée des quartiers des Olivettes (Nantes), du Panier (Marseille) et Berriat (Grenoble). Thèse de doctorat en géographie, sous la direction de Christian Pihet, Dominique Sagot-Duvauroux et de Emmanuel Bioteau, Université d’Angers. [En ligne]
     
  • Petiteau, J.-Y., 2012, Nantes, récit d’une traversée. Madeleine-Champs-de-Mars, Carré
     
  • Roy, E., 2004. « La mise en culture des friches urbaines. Territoires en transition à Nantes », Les Annales de la Recherche, 97, Renouvellements urbains, pp. 121-126 [En ligne]



SCAENA remercie vivement Basile Michel pour son intervention dans le cadre de ce séminaire de terrain.

Mis à jour le 16 octobre 2020.