Séminaire de terrain à Nantes / Vidéo de l’intervention de Laurent Théry autour du projet d’aménagement de l’île de Nantes

  • Le 22 novembre 2019
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Le 22 novembre 2019, les chercheurs de SCAENA ont entendu Laurent Théry lors du séminaire de terrain à Nantes, autour du projet d’aménagement de l’île de Nantes.

Dans son intervention, Laurent Théry revient sur la façon dont a été imaginé le projet d’aménagement de l’île de Nantes, ainsi que les différents acteurs impliqués. Il y rappelle le rôle de l’île de Nantes dans un projet urbain global, et la place d’équipements culturels forts pour organiser ce développement. Il y explique enfin l’émergence du quartier de la création, qui est pour lui une thématique du projet d’aménagement de l’île de Nantes.

Laurent Théry est urbaniste et ancien directeur de la SAMOA.

La conférence est présentée par Laurent Devisme, professeur en aménagement et urbanisme à l’Ecole d’architecture de Nantes


 

Dans sa présentation, Laurent Théry rappelle son arrivée à Nantes, en 1995, après avoir travaillé à Saint Nazaire où il avait impulsé aux côtés du maire Joël-Guy Batteux, un projet global de développement, aussi bien urbain, qu’économique, social ou culturel, observant la ville dans son ensemble. Le projet de Saint Nazaire incluait aussi de créer des liens avec Nantes, car pour Nantes comme pour Saint Nazaire, l’estuaire était l’horizon de développement dans une vision métropolitaine, alors que les deux villes avaient plutôt une histoire d’opposition sociale, économique et culturelle, même si leur histoire était commune. Jean-Marc Ayrault a très vite voulu un rapprochement entre les deux villes, autour de la Loire.

Le nouveau développement de Nantes, c’était les conditions de cette articulation autour de la Loire entre Nantes et Saint Nazaire. A la fin des années 1980 – début des années 1990, la Loire était oubliée dans l’histoire de la ville. La Loire avait sans cesse était creusée pour laisser passer les bateaux, les industries de bord de Loire étaient souvent des industries en crise, dont les chantiers navals, fermés en 1987, mais aussi tout au long de la rive industrielle. En même temps de la crise économique et industrielle existait une crise urbaine car ce fleuve abimait, creusait, et était de moins en moins un lieu emblématique pour les Nantais, car c’était plutôt sale, pollué, et il y avait des industries fermées. L’idée dans ces années c’était plutôt de développer la ville vers l’Erdre, une jolie rivière sinueuse, et la technopôle (Atlanpole).

C’est ce que Laurent Théry a appelé la continentalisation de Nantes, où Nantes n’était plus tournée vers l’estuaire et l’océan Atlantique, mais vers le nord, avec de nouveaux espaces libres dans lesquels la ville compte se développer. Pourtant Jean-Marc Ayrault lance une étude sur l’île de Nantes, qui n’aboutit pas. Laurent Théry relance alors un projet d’ensemble et propose à Jean Marc Ayrault d’enclencher une réflexion autour de la Loire et de l’estuaire. L’île de Nantes était alors un projet essentiel pour organiser ce développement, dans les années 1997-1998. En 1999-2000 est créée la communauté urbaine, et la réflexion est relancée sur comment faire de l’île de Nantes un projet urbain.

La question est alors posée de la transformation de l’île, comme un projet de transformation assez stratégique de l’ensemble de la ville de Nantes, avec un retour vers le fleuve. Il s’agit d’un projet d’urbanité, de transformation urbaine, pas une opération d’aménagement pas une ZAC – la question de l’île n’est pas une question des formes opérationnelles, c’est un projet de transformation urbaine, confié à un maître d’œuvre et un urbaniste, Alexandre Chemetoff, pour dix ans

Rapidement émerge l’idée qu’il faut créer un outil dédié, la SAMOA – Société d’aménagement de la Métropole Ouest Atlantique, constituée pour le projet de l’île de Nantes et pour la métropole. La SAMOA s’installe dans la Halle 6, dans la friche industrielle d’Alstom, ce qui a été structurant.

Une idée très forte que j’ai défendu pendant ce processus, c’est qu’il ne s’agit pas d’installer des opérations, il s’agit d’accueillir des acteurs. C’est la marque de fabrique de la SAMOA. On n’a fait aucune opération de bureau en blanc, on n’a fait qu’accueillir des opérateurs ou des entreprises sur un projet délimité. C’est là que commence le quartier de la création, car on a créé l’envie de venir s’installer là.

Très vite ont été accueillies des petites entreprises, des artistes, des télévisions, car la première idée était celle du quartier des médias. C’est comme ça qu’est né l’enjeu d’accueillir des entreprises dans le domaine de la création. Le quartier de la création est en fait pour lui une des thématiques et pas la caractérisation générale du projet.

A l’époque, les projets d’aménagement des villes en Europe intégrait un équipement culturel fort, dans lequel s’incarnait le projet. Ainsi, sur l’île de Nantes aussi il fallait un équipement phare. Plusieurs projets émergent, une consultation est lancée et c’est le projet de François Delarozière et Pierre Oréfice (les Machines de l’île) qui est choisi.

L’idée des Machines de l’île était extrêmement séduisante, mais l’arbre aux hérons, proposé à l’origine à côté du Palais des Sports, sur l’extrémité est de l’île, serait déplacé dans un circuit touristique passant par le musée et qui arrive sur l’île. Ce projet s’est heurté à beaucoup d’oppositions car l’idée de mettre sur le lieu des chantiers un équipement culturel s’est heurté à l’envie d’y implanter de l’habitat, car la valeur foncière la plus forte de l’île de Nantes était là.

Le fait de déposer le projet sur ce site du chantier avait un sens fort, qu’il s’agisse d’espace public ou d’activités, de reconstruire un lieu actif dans la mémoire de l’île et de lui affecter des fonctions nouvelles et contemporaines.

Enfin, Laurent Théry rappelle que le projet de l’île de Nantes a été un conflit permanent, avec les différents acteurs, les parties prenantes, les intéressés : l’île de Nantes avait une histoire et une présence sociale forte, faisait l’objet de l’intérêt de promoteurs immobiliers, de différents acteurs, mais apparaissaient aussi des questions de condition de conservation, notamment pour les nefs. Plusieurs projets se sont construits hors ZAC, dès les débuts, notamment le Hangar à Bananes, investi par Jean Blaise, d’abord de manière provisoire pour une manifestation, puis en en faisant un lieu permanent (bistrots, boite de nuit et salle d’exposition). Ce projet de Hangar Bananes et la biennale d’art contemporain Estuaire (tous les deux ans, sont installées des œuvres d’art contemporain de grands artistes le long de l’estuaire) ont aussi construit le projet d’île de Nantes. La biennale a par ailleurs renforcé le sentiment d’appartenance des nantais à l’estuaire et leur rapport au fleuve.



SCAENA remercie vivement Laurent Théry pour son intervention dans le cadre de ce séminaire de terrain.

Mis à jour le 16 octobre 2020.